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lundi, 19 octobre 2009

Les politiques de la Banque de France

Les politiques dont l’effigie a figuré sur les billets de la banque de France sont nombreux ; en suivant les liens, on trouvera des commentaires sur les billets suivants :

- Le 1000 francs / 10 NF  Richelieu

- Le 5000 francs / 50 NF  Henri IV

- Le 10 000 francs / 100 NF  Napoléon Bonaparte

- Le 5 francs Bayard

- Le 100 francs Sully

- Le 50 francs Jacques Coeur

- Le 500 francs Clémenceau

- Le 500 francs Colbert

 

- Coloniser, décoloniser

- Un billet pour la paix

-

 

 

- L’œil du Berger

23:14 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anciens francs, politique | | |

mercredi, 31 décembre 2008

Le billet qui n'existe pas

Paul Cézanne comme il a failli se trouver un jour dans votre portefeuille. On a préféré, in extremis, une autre version.
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Idem avec Saint-Exupéry, première maquette du 50 francs, vite reléguée aux oubliettes
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Un Votaire psychédélique, qui n'a pas été retenu non plus à l'époque
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Une ébauche du Bonaparte, lui aussi demeuré dans les cartons de la BdF
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Une ébauche d'un billet de dix francs, par Clément Serveau
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Une seconde de cent francs, datant des années cinquante :
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Celle-ci, très belle, également
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Et celui-ci, qui a du panache
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Avec tout ça, si vous n'arrivez pas à vous payer un super reveillon !

BONNE ANNEE

2009

A TOUS

01:20 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : fêtes, fête, noël, anciens francs, société, billets français | | |

jeudi, 20 novembre 2008

François René, de Saint-Malo (500 francs)

Etre allé, au soir de ses jours, jusqu’à se glorifier de se retrouver sans le sou sous le régime honni de Louis Philippe et le ministère vomi de Guizot, parmi les indigents que l'Histoire avaient rendus aussi dérisoires que dignes de l’Infirmerie Marie Thérèse, à quelques pas des premières guinguettes et des populaires acacias de Montrouge, des tout derniers moulins et du tout nouveau cimetière de Montparnasse, pour finalement faire naufrage sur un billet de banque, à peine un siècle après sa mort : Est-ce à ce pire-là qu’il songe, François René, engoncé dans la vignette de son billet de 500 francs, créé en 1945 ?

Admirons François René, de Saint Malo :

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« Oh ! argent que j’ai tant méprisé, et que je ne puis aimer quoi que je fasse, je suis forcé d’avouer que tu as pourtant ton mérite ! », concède-t-il dans un fameux chapitre de la quatrième partie des ses Mémoires. Quel étonnement dut donc être le sien, de se trouver aussi vilainement logé en cette cette coupure, lui, l'épris des lunes bretonnes et des chutes du Niagara. Quel étonnement !  Son visage y apparaît d'ailleurs songeur, comme la caricature que ses contemporains, déjà, aimait à surprendre en ses écrits : L’Enchanteur…Un long doigt fin, dressé après avoir pincé la corde d’une lyre jaune, le regard aux aguets, comme s’il cherchait à matérialiser la note qui résonnait sur le bout de la corde, au loin, le regard soigneusement plongé vers un hors-champ peuplé d'hirondelles ou de  jeunes filles de Bohême, au delà des fracas des révolutions et de l'Histoire.  Et de chaque côté du billet, ce chiffre 5 à la poursuite de deux zéros inclinés vers lui, comme s’ils résistaient à un vent d’Est frontal,  ce cinq, bonhomme et ridicule au ventre enflé : l’argent, force désolante, humiliante, abominable, soutenue par les techniques et les consortiums de toutes les époques, par les forces les plus internationales du grand Capital, les espoirs manipulés du petit peuple, par l’idée insensée de l'enrichissement de tous, et le prévisible cataclysme final  : songe-t-il à cela, déjà, le vieil enfant des wastes  perdus?

       Se réjouit-il vraiment de siéger parmi les figures du franc, François-René ? Son vieil orgueil, peut-être, rugit en en secret d'y prendre place un peu avant l’ennemi de toujours et un peu avant le cadet de toujours : Napoléon qu’il admirait, Victor Hugo qui l’admirait, n’eurent, l'un et l'autre leur billet qu’en 1955. Son vieil orgueil, peut-être, s'en trouve flatté.

Mais lui-même, d’Outre Tombe, à quoi, à qui songe-t-il ? A quoi songe l’amant de Cynthie, le récitant de Rancé, le génie des Martyrs ?

Prévoit-il la manière dont les tenants du village global, plus déments encore que ceux de la Monarchie de Juillet, auront consacré de façon absolue le pouvoir odieux, honni, de la monnaie et de sa valeur sur toute autre considération ? Sent-il poindre l'avilissement de tous les peuples ? Dans le grand renouvellement des générations, perçoit-il un frêle chant d'espoir, ou seulement le fracas d'événements qui n'auraient plus jamais de sens, et dont même le spectacle - aussi désabusé soit-il - serait devenu atroce et vain ? Décomposition, recomposition : A vous de jouer, Messieurs ! lançait aux hommes du futur le vieux mémorialiste, peu avant de quitter la piste. De bourrasques en bourrasques, ils se seront, en effet, bien amusés... Pour, au final, quel lendemain tisser ?

 

06:46 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, chateaubriand, billets français, anciens francs | | |

vendredi, 07 novembre 2008

Cinq cents francs pour deux

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Au premier plan, Maria Sklodowska, née un 7 novembre 1867. A l'arrière Pierre Curie, né au 15 mai 1859. 

C'est le seul couple d'humains que la Banque de France a "encarté" : Ce n'est ni Tristan et Iseult, ni Romeo et Juliette, ni Tite et Bérénice : Ils se marient à Sceaux le 26 juillet 1895. La même année, Pierre est devenu docteur ès-sciences physiques (thèse sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures, pressions et intensités de champ magnétique). L'année suivante, elle est reçue première à l'agrégation de physique le 6 mars, 1896. Chez les Curie, ça ne plaisante pas : ça bosse. Le 18 juillet, Pierre et Marie annoncent la découverte d'un nouvel élément radioactif, le polonium. Le 26 décembre, en collaboration avec Gustave Bémont, ils annoncent la découverte du radium. Le 10 décembre, Pierre et Marie Curie, associés à Henri Becquerel, obtiennent le prix Nobel de physique, pour la découverte de la radioactivité naturelle. On connait la suite. En avril 1906, Pierre Curie est renversé par un cheval. Le 4 juillet, 1934, Marie Curie meurt des suites d'une leucémie au sanatorium de Sancellemoz (Haute-Savoie). Les cendres de Pierre et Marie Curie sont transférées au Panthéon, le 20 avril 1995. Depuis un an, les Français d'alors ont dans leurs poches ce billet verdâtre, dernier de la série des 500 francs, qui n'est pas le plus beau, mais qui reste célèbre parce qu'il est le premier où figure une femme.

Une femme, une vraie personne, cette fois-ci, pas une allégorie mythologique comme CérèsPerséphone. La seule femme admise au Panthéon de la Banque de France fut donc une scientifique : après le scientifique inconnu en blouse blanche, après François Debat, Le Verrier, Pasteur, Marie Curie. Et ce fut une femme mariée. Pour accueillir le sexe on peut remarquer que l'Institution avait placé la barre très haut. Pourquoi pas une femme de Lettres, et pourquoi pas une célibataire ?   (Allez, au hasard, pourquoi pas George Sand )? J'aurais bien vu, sur fond de mare au Diable d'un côté, de loge aux Italiens de l'autre, les cartouches de George... Mais non! George n'aura donc pas eu son billet en francs. Alfred non plus, me direz-vous, et pas davantage Alphonse, Honoré ou Henri (y) ? On ne va pas dresser la liste des absents, mais tout de même, vous ne trouvez pas qu'il auraient mieux représenter la passion à la française, Sand et Musset, couple romantique, tumultueux, à la fois fugace et, d'une certaine façon, éternel, que ce duo un peu livide et très besogneux de Pierre et Marie ? Cela aurait pu aussi être un solo de Louise Michel : Imaginons ensemble, cinq minutes, la Banque de France concevant un billet à l'effigie de Louise Michel, militante anarchiste, elle aussi femme de lettres (on l'oublie trop souvent) morte d'une pneumonie en 1905 à Marseille au service de la cause ( pas scientifique, révolutionnaire) . Ou bien un billet à Olympe de Gouges...  

Mais non, La Banque de France, comme elle l'a fait avec Hugo ou Bonaparte, préfère consacrer l'icone Marie Curie : épouse et mère de famille, deux fois nobélisée (en physique et en chimie) et martyr irradiée de sa propre découverte : « La maladie qui l'a emportée est une anémie pernicieuse aplasique à marche rapide, fébrile. La moelle osseuse n'a pas réagi, probablement parce qu'elle était altérée par une longue accumulation de rayonnements » a écrit le Dr Tobé, responsable du sanatorium de Sancellemoz, en Haute-Savoie, où elle avait été transportée, quelques jours auparavant. C'est ainsi que la scénographie du billet représente sur une face Marie en compagnie de son mari, sur l'autre, une salle de l'Institut du radium vide, comme après leur mort à tous deux. Je ne sais si les Français, à l'époque où déjà la monnaie numérique était bien implantée dans le pays, et l'usage de la carte bleue systématisée pour les fortes sommes, eurent le temps de se familiariser autant avec ce billet qu'avec les coupures de moindre importance. La "grosse coupure" de la dernière série des francs rendait l'âme sans fracas lors du passage à l'euro, comme les autres. Laissant, sur les billets qui sont les nôtres aujourd'hui, un espace absolument vide d'hommes et de femmes, comme après la déflagration, l'explosion ...

 

17:18 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : anciens francs, pierre et marie curie, société, uranium | | |

mercredi, 22 octobre 2008

Le monde sans Cézanne

Aujourd'hui, Pau100F%20Cezanne%20essai%20R1.jpgl Cézanne est mort depuis 102 ans (22 octobre 1906). 

En l'an 1996, le remplacement in extremis du billet de deux cent francs prévu à l'effigie des frères Lumière par celui à l'effigie de Gustave Eiffel a libéré soudainement la valeur faciale de cent francs, la plus populaire, qui est échu du coup à Paul Cézanne par décision de la Banque de France. Le dernier bifton de cent balles, ce fut donc lui. Cézanne, l'aixois. Le Claude Lantier de L'Oeuvre de Zola. Ci contre, un essai pour le billet que nous aurions dû avoir lors de la dernière série de francs. Un regard brun, ferme, un regard du sud. La barbe noire et drue, une calvitie naissante. Dans le filigrane, le peintre, plus replet, plus âge, plus rond. Les joueurs de cartes sous un platane, étrangement bleuacés, au centre du dessin. On remarque, parmi les gadgets de sécurité, une palette rouge en haut en gauche.

 

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Autre version des mêmes épreuves, avec un arbre dont les branches ne suivent plus les mêmes arabesques, le regard du peintre peut-être plus centré sur le hors-champ, de face. La palette rouge a disparu. Le filigrane est plus pâle. Les joueurs de cartes sont sensiblement différents, leurs tenues plus claires.

"Je vais étonner les Parisiens avec une pomme" avait déclaré le reclus la colline de Laugres : Le billet final à l'effigie de Paul Cézanne, qui sortit finalement en 1997, fut donc le dernier billet de cent francs de toute l'histoire du franc; sur une face entière, en effet, s'étalaient les fameuses pommes... Il y aurait, rien que sur cette valeur faciale, une histoire à faire, tant  cette valeur fut évidemment la plus familière, pour les ados (argent de poche), les retraités (pensions) comme pour chacun d'entre nous. Le vrai billet du quotidien. Je me souviens que, lors de la disparition du franc, j'avais écrit ceci, de triste, de rageur et d'impuissant, que je livre tel quel :

Ce soir, dans mon blême isoloir, moi qui n’ai presque rien conservé de tout ce qui s’écoule et de tout ce qu’on détruit, je contemple le front large de Cézanne que j’ai mis de côté sur ma table (1839-1906). C’était cent balles, quand même ! 1383238331.jpgCent balles ! Nez à nez. Impressionnant, ce front qu’on tâtera plus jamais du bout du doigt, ni dans sa poche ni dans son porte feuille. Ce front : Quel front ! Quel regard ! Sauvage, tout comme ses toiles. Venu du Sud et du dix-neuvième siècle, ce regard tout en fièvre contenue. Comment peut-on être aussi perçant ? Aussi franc ? Les deux petits joueurs de cartes tout verts, qu’on dirait des anesthésistes dans une clinique chirurgicale. Et les pommes ! Je les compte une à une, les pommes. Dix oranges et quatre jaunes. Rondes comme des boules.  La sentimentalité excessive nuit à l’évolution harmonieuse des sociétés, dirait je sais pas qui, en me voyant comme ça, ému sottement devant des bouts de papier;  Ce soir, je me sens comme Cézanne. Il a ce strap en pointillé devant le nez, un vrai mât de cocagne électronique, et le vise du regard comme pour le dégommer de sa seule suggestion mentale. Pauvre Cézanne, enrubanné !  Pauvre humanité qui disparaît. Pauvres gens du Sud, du Nord, de l'est, de l'Ouest, pauvres, les pauvres, et tous les peuples qui, toujours, se feront avoir... Je me sens coincé, pire encore que Cézanne, moi, dans son rectangle aux abois. Pire ! Je me sens moi aussi scotché, strapé, parvenu à un degré d'anesthésie tel que nul ne sait plus où j'ai fourré la justesse de mon sentiment.

La seconde mort de Cézanne, loin de la Sainte-Victoire, c'est là, sur ma table comme sur une table d'autopsie, autour de laquelle on ne joue pas, ce soir, aux cartes.  Un truc, voilà,  qu’on avait en poches et en commun, toutes et tous,  depuis un sacré bail, nous autres. Et pas rien que nous autres : Tous les Francs, aussi, les Anciens, les Morts, à présent logés au crématoire ou au tombeau, les anciens qui en avaient drôlement trimballé, pendant leurs existences entières de Francs, des francs, sonnants et trébuchants. Démonétisés du même coup, tous les Anciens ! Tous ces trimbalements, toutes ces négociations, tous ces calculs de francs en francs, au fil des siècles et des générations, ça en avait pondu, du verbe et du boucan, de la rente et de la chanson ! Sacrée littérature, hein : Et quel boucan ! De la langue, quoi, elle aussi sonnante et trébuchante, durant des siècles ! A présent trébuchée : Oui, et bien comme il faut ! Ces mots-là, cette parole-là, qu’en fera-t-on, au fond des bouches, des gosiers, des gorges ? En faire des collections, comme avec les billets  ? En faire du patrimoine classé, du qu’on montrerait aux petits enfants, les petits enfants des écoles ? La dictionnariser ? Que faire à présent des patates et des galettes, de l’oseille et du pognon, de la flèche et de la thune, comment, surtout, convertirait-on les cent balles de Cézanne au nouvel ordre hyper-monétarisé ? Trop neuf, trop sage, trop lisse, l’euro, qui rime trop avec égaux, avec trop d’égos, qui rime avec troupeaux, tous pareillement bien grillés au franc soleil du billet mondialisé. Trop commun, cet euro,  pour enfanter d’un bel argot. Faites gaffe, je dis moi, aux légions de convertis que je croise : après la monnaie viendra la langue. C’est la langue qui y passera à son tour. Evidemment.

 Quelle langue parlera-t-on, dans un monde sans Cézanne ?

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06:16 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cézanne, peinture, francs, anciens francs, société, culture, numismatique | | |

jeudi, 02 octobre 2008

La Tour : non, pas Georges, Quentin ...

Retirez lui son chapeau, vous trouvez pas qu'il est très tendance avec son crâne lisse ? Et d'ailleurs même avec le chapeau, je suis certain qu'il passerait inaperçu dans beaucoup de lieux mode... Si Rousseau n'eut jamais l'honneur de figurer sur un billet - ce qui est tout de même terrible, quand on songe que Voltaire fut jugé digne d'avoir le sien, si Louis XV et Madame de Pompadour non plus, leur portraitiste, Quentin de La Tour (1704 - 1788), si !  Un petit effort, rappelez-vous, combien de fois l'avez-vous l'avez baladé, plié en quatre dans une poche ou tout recroquevillé dans un porte feuilles, le brave Quentin ?

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Il fut un temps où, en échange d'un de ces Quentin, on dégustait un menu complet bien arrosé d'un quart de vin et assorti d'un café. A cette époque, Quentin était l'ami de tous les ados de France puisqu'il signifiait pour la plupart l'argent de poche hebdomadaire : La Banque de France confia à Lucien Fontanarosa la conception de ce billet qu'elle émit en 1976, en remplacement d'un magnifique Racine, qui se faisait, osons le mot, un peu vieux. Aujourd'hui, pour cinquante francs, (7,7 euros), vous repasserez pour le menu complet arrosé et assorti et tout et tout (ou alors, s'il vous plait, laissez moi l'adresse en commentaire) ! L'équivalent du billet de cinquante, en termes de pouvoir d'achat, ce serait plutôt le billet bleu de 20 euros.

 

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Quentin de la Tour avait un don précieux : saisir en quelques secondes une physionomie et croquer sur l'instant sa victime. On ne le confondra pas, bien sûr, avec Georges de La Tour, peintre de l'ombre et de la lumière, du cachot et de la clarté vive, de la Madeleine qui veillait, du Prisonnier, d'un magnifique Jean-Baptiste,Georges de La Tour, l'un des « alliés substantiels » de prédilection de René Char. Pour tout vous dire, si l'on me laissait le choix (on peut rêver, non ?) entre une toile de l'un et un pastel de l'autre, entre Georges et Quentin, je crois que choisirai Georges. Mais enfin c'est Quentin qu'a élu la Banque de France... Alors comme un mauvais Balzac tartinant sa copie, il me faut bien, après cette digression qui vous aura occupé un § entier, revenir au portraitiste des Lumières, comme on disait à l'époque.

Ce qui est bien, quand on est peintre, de surcroît peintre de génie, c'est qu'on peut s'encadrer soi-même. Ce que Quentin fit de façon franchement magistrale (voir ci-dessus). Les dégradés de gris, blanc, bleu sont superbes : rajoutez cet art d'épouser sans en avoir l'air la diagonale, comme si on se relaxait dessus. Ondoyant, le Quentin, et très charmeur. Quelle légèreté !

Je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à une sorte d'Yves Saint-Laurent de l'époque. Il parait qu'en février 2009, Christie vendra la collection de la star-couturier décédée à l'encan. Il parait qu'il y aurait  entre autres un Vélasquez, plusieurs Picasso, plusieurs Ingres : ça ne m'étonnerait pas s'il s'y était glissé un Quentin. Mais bon...  J'ai beau en avoir gardé deux / trois en papier, ça ne suffira pas pour suivre les enchères sur un coup comme ça... Avec tous les parachutes dorés qui auront sans doute besoin de placer sur le marché de l'art leurs fraîches liquidités. On peut quand même saliver un peu ...

22:54 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : billets, quentin de la tour, anciens francs, peinture, dessin | | |

samedi, 19 juillet 2008

La victoire, en chantant...

La taille-douce est une technique d’impression permettant, grâce à une gravure en creux réalisée dans le métal, de déposer une faible épaisseur d’encre en surimpression. Le relief obtenu est perceptible au toucher et l’image acquiert une plus grande netteté. Dès l'année 1852, les techniciens de la Banque s'étaient préoccupés des garanties que pouvaient apporter aux valeurs fiduciaires l'emploi de la gravure en taille-douce et avaient étudié les fines et artistques gravures des billets des banques américaines. En 1883, ces études reprirent d'une façon suivie, cette gravure ayant été déjà adoptée par les Russes et les Autrichiens. La Banque de France innovait cependant avec son procédé de taille douce à sec, ce qui permettait d'éviter le jeu du papier, et lui laissait la possibilité d'ajuster ses filigranes sur un papier très fin.

Le bil3a55c1fcbce06947fbe064593fd567a8.jpglet de 5 000 F type 1934, oeuvre peinte par Sébastien Laurent, puis gravée par Rita Dreyfus et Piel, est donc le premier en France à bénéficier de cette technique, censée décourager les entreprises de plus en plus habiles et perfectionnées des faux-monnayeurs. Outre cette caractéristique, ce billet se signale par ses qualités esthétiques. Il représente une effigie féminine symbolisant la France, drappée d'une toge, coiffée d’une couronne d’olivier et placée dans un cadre de feuilles de laurier. Saisie de profil, et reproduite parfaitement à l'identique sur chaque face, elle tient à la main une Victoire ailée, symbole heureux dont l’origine remonte au monnayage grec. La figure de cette Victoire Debout ayant quatre couleurs, les textes, les numérotages et les signatures en nécessitant huit, la coupure exige au total douze impressions. Un tour de force, pour l'époque.

Si la pose hellénique, la couronne d’oliviers, la chevelure lissée, le teint pâle, le sourcil épilé, l’épaule et la joue ronde de cette Victoire Debout lui conférent, à la bien observer, l’air nettement académique et quelque peu figé d’une star du cinéma muet, n'est-ce pas afin que ce mutisme (à jamais garantie par de fines lèvres rouges en forme de cœur) tînt confidentielle la comédie rusée des petits films qui se tournaient dans les alcôves et les palais de ces années mille neuf cent-trente, et sût taire à jamais la tragédie sans paroles des multiples faillites, la pantomime des récurrentes élections, les drames des captations d'héritages des grands-pères replets de notre modernité ?

Dans l’engrais de ces comédies, dans le terreau de ces héritages, dans le fumier de ces faillites, grâce à l'imposture d'une agitation politique qui allait faire asta.jpgtourner la planche à billets de plus en plus vite et  de plus en plus fort, un monstre nouveau, en effet, enfant conçu sur un air de piano en ces alcôves, vagissait. Il s’apprêtait à tordre le cou au monde des essences valéryennes comme à celui des déréglements rimbaldiens de tous les sens, et à saisir de sa poigne internationale les affaires du pays : l’homme du ciment, l’homme des produits chimiques, l’homme de la banque et l’homme de l’automobile, le mâle économique pour qui le franc Germinal venait d’être converti en franc Poincaré et qu'ébranlait de loin en loin une affaire Stavisky ou autre, voyait, en fumant des cigarettes odorantes, s'élever des dictateurs qu'il pensait d'opérette de pays en pays. L'Europe, la vieille Europe de Byron, de Goethe et de Chateaubriand, l'Europe des diplomates cultivés et celle des capitales en fêtes se métamorphosait lentement pour devenir dans les manchettees de ses journaux l'Europe des foules qui marchent en silence dans des rues couvertes d'affiches, l'Europe de la propagande, de Rome à Berlin et de Vienne à Moscou. Tournez, rotatives ! Et tournez, planches à billets !

Et pourtant, la toute-puissante et rageuse esthétique de la modernité, comme le vieil univers de l’épargne, découvrirent pour un temps, en cette Victoire Debout, leur bien commune égérie & leur fort précieuse muse : "N'avions-nous pas gagné la dernière guerre, disaient-ils en la bichonnant, et vaille que vaille rétabli peu à peu l'ordre ainsi que la prospérité ?"  Avec quelle prudence, quelle ingénuité, quel culot peut-être-même, cette Victoire Debout tient-elle en mains son trophée surestimé, prête à le glisser dans le gras porte-feuilles des seuls privilégiés ! Prostituée, comme une vraie fille des banques, mais sans en avoir l'air ! Insouciante, telle une star du cinema muet : Cinq mille francs ! Or dans cette coupure, la symétrie n’était qu’apparente : elle ne faisait que mettre en scène hypocritement un moment d’équilibre plus feint que réel ; durant la durée de circulation de ce billet à la taille belle et douce, de 1934 à 1944, son apparence d'équilibre n’allait cesser de se rompre, précipitant artisans et banquiers, industriels et commerçants, politiques et militaires, diplomates et ouvriers, artistes et paysans, prostituées et mendiants dans un mouvement continu d'exil hors de toute victoire, et de tout redressement, jusqu'aux fracas irrémédiables (et à cette heure-là inimaginables) que furent Auschwitz et Hiroshima.

 

09:30 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, littérature, anciens francs, billets français, victoire debout | | |